CONSEIL PRATIQUE: LE CANCER DU SEIN, UNE URGENCE DE SANTÉ PUBLIQUE ?
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « Le cancer du sein est une maladie caractérisée par la croissance incontrôlée de cellules mammaires anormales qui forment alors des tumeurs. Si rien n’est fait, les tumeurs peuvent se propager dans l’organisme et avoir une issue fatale. En 2020, on a recensé 2,3 millions de cas féminins et 685 000 décès dus au cancer du sein dans le monde. À la fin de 2020, 7,8 millions de femmes en vie s’étaient vues diagnostiquer un cancer du sein au cours des cinq années précédentes, ce qui en fait le type de cancer le plus courant à l’échelle du globe. »
Au Bénin, même si la pathologie n’est pas classée parmi les maladies prioritaires, il s’agit d’un réel problème de santé publique. En 2022, une hausse alarmante des cas de cancer du sein avec plus de 1000 nouveaux cas ont été recensés dans le pays.
Nous abordons dans ce nouveau numéro de votre magazine le cancer du sein avec le Docteur ASSOGBA Mickaël, médecin cancérologue au CNHU/HKM de Cotonou
Par Sinclair Bellonne
LA Mag : Bonjour Dr ASSOGBA Mickaël, pourquoi le cancer du sein est-il si préoccupant aujourd’hui ?
Dr ASSOGBA Mickaël : le cancer du sein est préoccupant aujourd’hui pour plusieurs raisons, C’est le premier cancer de la femme dans le monde en général, en Afrique et au Bénin en particulier. Au Bénin, tous sexes confondus, c’est également le premier cancer qui tue le plus.
LA Mag : Quel est la situation sanitaire des cancers au Bénin aujourd’hui ?
Dr ASSOGBA Mickaël : Il faut dire que les chiffres ne sont pas très exacts au Bénin parce que tous les cas ne sont pas systématiquement déclarés et donc on n’a pas des chiffres vraiment exhaustifs. Les derniers chiffres officiels a ce jour sont ceux de Globocan qui est en fait une statistique que l’OMS tient au niveau des différents pays. Quand on s’en tient aux dernières statistiques qui date de 2020, on se rend compte que les cancers font environ 6700 nouveaux cas chaque année. En fait cette année 2020 où l’enquête se faisait on avait 6700 nouveaux cas tous cancers confondus. Et de ces 6700 nouveaux cas, 25% parmi eux sont des cancers de sein, tous sexes confondus bien sûr, c’est le premier cancer. Ensuite, les cancers de prostate suivent en termes de fréquence puis les cancers du col de l’utérus suivent et les deux cancers qui suivent ensuite sont les cancers du foie et les cancers du côlon. Ce sont donc les cinq (5) premiers cancers que nous avons au Bénin. Les chiffres ne sont pas petit déjà mais il n’intègre pas tous les cas non plus, donc la réalité est encore bien plus grave que ces chiffres présentés.
LA Mag : Le cancer du sein est-il uniquement une maladie des femmes ?
Dr ASSOGBA Mickaël : Non du tout pas, le cancer du sein n’est pas qu’une question de femme. On a également les cancers du sein chez les hommes quand bien même les chiffres sont très faibles. On estime que 1 à 2% des cancers du sein surviennent chez l’homme. C’est un pourcentage très faible certes mais ça existe quand même, il y a des hommes qui font du cancer de sein.
LA Mag : Quels sont les causes de cancer du sein ?
Dr ASSOGBA Mickaël : En faites, il n’y a pas de causse pour les cancers par ce que quand on dit causse, c’est que si le facteur est présent la maladie sera forcément là alors que pour les cancers ce n’est pas comme ça. On parle plutôt des facteurs de risque c’est-à-dire que ce sont des facteurs lorsqu’ils sont présents chez quelqu’un, ils augmentent les risques pour cette personne de faire un cancer. Le facteur peut donc être là et la personne ne fera pas de cancers comme le facteur peut ne pas être là et la personne fera quand même un cancer. On préfère donc parler de facteurs de risque plutôt que de causse en matière de cancer. Les facteurs de risques pour le cancer du sein sont classés en deux grands groupes, les facteurs de risques modifiables qui sont des facteurs de risque sur lesquels on peut agir, qu’on peut changer, et les facteurs de risques non modifiables où vous ne pouvez rien faire.
Les facteurs de risque non modifiable c’est d’abord le fait d’avoir les premières menstrues trop tôt, généralement avant 12 ans, ou que la ménopause parvient très tardivement au-delà de 55 ans. Deuxième chose, on est arrivée à montrer que dans certaine famille il y a un type particulier de gène qui peut être présent, mais lorsque ce gène est présent il peut augmenter le risque de faire un cancer du sein. C’est ce qu’on appelle le facteur de risque génétique. Globalement ce sont des facteurs risques sur lesquels on ne peut rien.
Par contre, il y a des facteurs de risque qui sont modifiables, c’est d’abord l’alcool, la consommation d’alcool ou de tabac, c’est aussi le fait de ne pas avoir du tout d’enfant, c’est vrai que parfois les femmes cherchent mais ça n’arrive pas cependant généralement dans nos contrés on peut rencontrer des femmes qui volontairement décident de ne pas en avoir, c’est un facteur de risque.
Le fait d’avoir des enfants et ne pas les allaités est également un autre facteur de risque qu’on peut modifier en allaitant régulièrement son enfant. Un autre facteur de risque modifiable c’est la première grossesse qui survient trop tardivement donc généralement au-delà de 35ans. Le fait d’utiliser des traitements à base d’hormones à la ménopause est également un autre facteur de risque qui est modifiable. Globalement ce sont des facteurs de risque qu’on connaît pour le cancer du sein et je vais rajouter dans les facteurs de risques non modifiables l’obésité.
LA Mag : Comment se manifeste le cancer de sein chez la femme ?
Dr ASSOGBA Mickaël : Lorsque les manifestations sont présente c’est que généralement c’est déjà tard, le diagnostic est déjà tardif, raison de plus pour que dès que l’une de ces manifestations dont on va parler surviennent, il faut consulter tout de suite.
C’est d’abord le fait qu’on note une augmentation du volume d’un sein. Généralement les dames disent qu’il y a toujours un sein qui est plus gros que l’autre mais lorsque vous constatez que les proportions de différence augmentent il faut consulter. Ça peut être un signe de cancer du sein.
Lorsque vous remarqué qu’il y a une boule dans le sein, et/ou une boule dans l’aisselle, il faut consulter parce que ça peut être un signe de cancer du sein. Lorsque vous remarquez qu’une plaie apparait au niveau de la peau du sein, il faut consulter.
Lorsque vous remarquez le phénomène qu’on appelle « peau d’orange » c’est-à-dire au niveau de la peau vous remarquez de petits pores qui sont disséminé un peu comme les petits pores qu’on retrouve sur les peaux des oranges, il faut consulter ça peut être un signe d’alarme. Ou tout simplement lorsqu’en pressant au niveau d’un mamelon il y a un liquide qui s’écoule or vous n’êtes pas en train d’allaiter, il faut consulter.
Lorsque le mamelon est recroquevillé sur lui-même, c’est à dire un mamelon est normalement protubérant et lorsqu’il commence par se rétracter, ça peut être un signe d’alarme, il faut aller consulter.
Bref, toutes les anomalies que vous pouvez remarquer sur un sein, dès qu’elles apparaissent, il faut consulter car ça peut être un signe d’alarme. C’est déjà les premiers éléments que vous pouvez avoir.
Lorsque les cellules cancéreuses se développent tellement qu’ils vont au-delà du sein, elles peuvent allée toucher d’autres organes et en fonction de l’organe d’autres manifestations peuvent apparaitre. Si quelqu’une qui a ces lésions au niveau du sein et ne consulte pas et qu’à un moment donné elle commence par tousser, probablement les cellules cancéreuses ont déjà touché les poumons. Lorsque ces yeux deviennent jaunes c’est que probablement les cellules cancéreuses sont aller déjà coloniser le foie. Lorsque par exemple elle commence par avoir des difficultés à respirer, c’est que probablement le cancer a touché le poumon ou l’enveloppe qui recouvre les poumons, ainsi de suite.
D’autres manifestations peuvent apparaitre en fonction de l’organe qui a été secondairement touché parce qu’on n’a pas prêté attention au premier signe qui sont apparu au niveau du sein.
Je profite pour répondre à la question quels sont les conséquences. Les conséquences d’un cancer du sein c’est déjà l’apparition des métastases, parce que lorsque ça apparait dans le sein et qu’on ne fait rien les cellules cancéreuses peuvent aller coloniser d’autres, c’est la première des conséquences. Lorsqu’elles colonisent d’autres organes et qu’on ne fait rien c’est la conséquence ultime, c’est le décès, donc ce n’est pas une maladie qu’il faut banalisée. Il faut vraiment prendre tout ça au sérieux.
LA Mag : Quel sont les personnes à risque de cancer du sein ?
Dr ASSOGBA Mickaël : En fait, tout le monde est à risque de faire un cancer du sein, homme comme femme. C’est juste que lorsque des facteurs de risque s’accumulent chez quelqu’un, cette personne est plus à risque de faire un cancer du sein. Donc le simple fait d’être femme est un risque supplémentaire par rapport à un homme. On a dit chez les hommes on n’a que 1 à 2% de cancer du sein. Quand vous prenez un homme et une femme, la femme est plus à risque que l’homme. Plus les facteurs de risque s’ajoutent chez quelqu’un, plus cette personne est à risque de faire un cancer.
LA Mag : Comment prévenir le cancer du sein ?
Dr ASSOGBA Mickaël : Pour prévenir un cancer, il y a deux niveaux de préventions. Il y a des choses qu’il faut faire pour que le cancer n’arrive pas et il y a des choses qu’il faut faire lorsque cette première partie de la prévention a échouée et que la maladie est quand même arrivée.
Le premier niveau, ce qu’il faut faire pour que le cancer n’arrive pas, c’est d’agir sur les facteurs de risque modifiable dont nous avons parlé. Il faut arrêter l’alcool et le tabac, il faut dans la mesure du possible avoir sa première grossesse avant 35ans, il faut allaiter les enfants, il faut dans la mesure du possible avoir des enfants, il faut éviter d’utiliser des traitements a basse d’hormones à la ménopause. Globalement ce sont les choses à éviter et il faut éviter aussi l’obésité. Il ne faut pas être sédentaire, il faut savoir manger pour que l’obésité ne survienne pas, surtout l’obésité à la ménopause est encore un facteur de risque plus important. Ce sont là les facteurs de risque sur lesquels il faut agir pour éviter que la maladie n’arrive.
Quand ces mesures ont échoué et que la maladie est arrivée, c’est là qu’intervient le deuxième niveau de prévention. C’est au moins faire alors le diagnostic très tôt, c’est très important et c’est pour ça que dès qu’il y a le moindre signe par rapport à tout ce qu’on vient de dire, il faut aller consulter. Même avant ça, il faut faire ce qu’on appelle l’autopalpation du sein. Chaque mois une femme doit faire l’autopalpation du sein pour aller rechercher des anomalies au niveau des deux seins et dès qu’il y a une petite anomalie qui est constaté il faut aller consulter, ça fait partir de la prévention secondaire parce que ça va permettre de faire un diagnostic précocement. Deuxième chose qu’on peut faire toujours dans la prévention secondaire, c’est de faire la radiographie du sein. On conseil que déjà à parti 50 ans les dames puissent faire une mammographie chaque 2 ans quand il n’y a aucun facteur de risque particulier bien sûr, sinon la fréquence de réalisation est bien plus rapprochée lorsqu’il y a des facteurs de risque particulier. Donc il faut faire cette radiographie du sein à partir de 50 ans pour voir quelles sont les anomalies que la main n’a pas pu déceler mais que la radiographie peut voir de façon précoce. Tous ça fait partie de la prévention.
LA Mag : Existe – t – il à ce jour un traitement traditionnel efficace contre le cancer?
Dr ASSOGBA Mickaël : A ce jour non, il y a beaucoup de choses qui sont miroités aux populations mais honnêtement rien de fiable. On n’a à ce jour aucun traitement traditionnel, en tout cas qui soit validé pour le cancer du sein.
LA Mag : A propos des fausses croyances?
Dr ASSOGBA Mickaël : Les fausses croyances c’est de dire par exemple que quand on fait de la chimiothérapie à quelqu’un, la personne meurt. C’est Archie faux. La chimiothérapie comme tout médicament à des effets secondaires qu’il faut pouvoir gérer au mieux. On a les moyens nécessaires pour les gérés pour que ce ne soit pas un calvaire pour le patient. La chimiothérapie ne tue pas, au contraire elle permet de guérir les cancers quand ils sont diagnostiqués précocement. Bien sûr associé à d’autres traitements, ça permet de faiblir l’évolution du cancer lorsque le diagnostic n’a pas été fait précocement.
Deuxième fausse croyance c’est de dire qu’on ne fait pas de traitement des cancers au Bénin, c’est faux. Il y a des spécialistes pour le traitement des cancers au Bénin donc inutile de voyager pour aller se faire traiter, les spécialistes sont sur place.
Troisième fausse croyance, c’est qu’on ne guérir pas d’un cancer, c’est faux. On guérit bel et bien un cancer, il suffit de diagnostiquer précocement et de faire les traitements comme il faut, le reste ça va être juste de la surveillance parce qu’on peut être guéri et des récidives peuvent arriver après.
La dernière fausse croyance est qu’on dit qu’on n’opère pas un sein parce que quand on opère les gens meurt. C’est une très fausse croyance. On opère un sein lorsque le cancer n’a pas encore envahi d’autres organes. A partie du moment où ça n’a pas encore envahi d’autres organes et qu’on a pris des dispositions en amont pour faire des traitements préalables, l’opération du sein n’entraine pas la mort.
@LAM/SB
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